L’entreprise et sa demande

Jeune entreprise du secteur de la logistique (créée en 2012) implantée dans les Hauts de France, ErgoCoaching est contacté en mai 2023 par la Directrice des Ressources Humaines et la Secrétaire du CSE. Elles sont mobilisées pour la mise en place d’une enquête paritaire qu’elle souhaite diligenter à un prestataire extérieur.

La salariée se déclarant subir un harcèlement moral de la part de sa responsable directe a signalé sa situation dans le cadre du dispositif existant dans l’entreprise. Une enquête doit donc être mise en œuvre afin de déterminer si oui ou non il y a bien harcèlement moral. Auquel cas, la victime pourra attaquer au pénal et l’entreprise user de son pouvoir disciplinaire à l’encontre de l’harceleuse. La situation mettant en cause un manager historique, la salariée plaignante n’ayant que 9 mois d’ancienneté, l’entreprise a préféré recourir à un consultant extérieur (votre ErgoCoach !) pour garantir la neutralité attendue dans l’instruction du dossier.

Le déroulé de l’enquête

L’entretien initial avec la salariée plaignante est la pierre angulaire du dispositif mis en œuvre. Sur la base d’un questionnement semi-ouvert, la salariée plaignante va décrire ce qui caractérise des faits de harcèlement moral à savoir les situations qu’elle a perçu comme relavant de conduites abusives, répétées ou systématiques qui ont porté atteinte à sa dignité ou à son intégrité physique ou psychique et allant jusqu’à pouvoir mettre en péril son emploi ou dégrader le climat social. Ces faits sont décrits dans le temps, dans l’espace, ainsi que les émotions perçues et la manière dont elles ont ou non été exprimées auprès des acteurs de la situation. Au terme de cet entretien, le consultant a constitué sa « bibliothèque de situations de référence », qu’il va maintenant confronter à la mémoire et à la perception des protagonistes cités lors de cet entretien initial. Les questionnements sont assez similaires, à ceci prêt que chaque acteur se verra questionner sur ses intentions : « Quelle était votre intention lorsque vous… ? ». En effet, le conflit se nourrit d’incompréhensions et de mauvaises interprétations. Le harcèlement lui a un but assez global : détruire, sans autre forme de rationalité.

Les conclusions de l’enquête et le rôle de la commission d’enquête.

Les éléments recueillis en entretiens sont assez concordants. Les situations de référence sont identifiées par les protagonistes et les verbalisations s’accordent à dresser les contours d’une situation d’incompréhension entre des collègues dans le cadre d’un temps hors travail. L’une des collègues concernées étant manager, le curseur a été porté sur le harcèlement plutôt que sur la médiation ou la gestion de conflits. Ce n’est néanmoins pas moins impactant pour :

  • La salariée plaignante : Le vécu de ces évènements l’a amenée à investir une psychothérapie dans un cadre personnel.
  • La manager mise en cause pour harcèlement : La manager remet en cause ses compétences managériales et se déclare en difficulté depuis le signalement.
  • Les collègues : La mise en place du dispositif a induit l’émission de convocations dans le cadre d’une enquête, un champ lexical qui a généré une certaine anxiété.

Dans le cadre de cette intervention, une commission d’enquête paritaire a été mobilisée. Elle était constituée de la Directrice des Ressources Humaines, du Directeur de Production, de la secrétaire du CSE et du secrétaire de la CSSCT. La commission d’enquête a mis en débat la teneur des entretiens individuels à la lumière des éléments de contexte qu’avaient les uns les autres. Une fois la conclusion posée (les faits relatés ne relèvent pas des éléments caractérisant le harcèlement moral tel que décrit dans l’article L1152-1 du Code du travail), les acteurs ont réfléchi aux suites à donner à cette conclusion, dans une visée de reconstruction du collectif et de prévention primaire des situations conflictuelles au travail.

Un dispositif couvrant ces 2 perspectives a été déployé :

  • La salariée a bénéficié d’un coaching professionnel et, conformément à sa demande,  a été affectée à une nouvelle équipe de travail ;
  • La manager s’est vue reconnue et valorisée dans sa fonction dans le cadre d’un entretien professionnel avec son responsable et la DRH ;
  • Une démarche de prévention primaire a été commandée en vue de la conception d’une cellule interne de prévention du risque psychosocial à l’échelle des équipes de production et de l’ensemble de la ligne managériale.

L’enquête harcèlement est un dispositif spécifique qui répond à une situation d’urgence qui elle-même est souvent un symptôme parmi d’autres d’une crise qui s’est installée et de comportements qui n’arrivent plus à s’adapter. L’usage du terme « enquête » complexifie la prise en charge de ces situations pour les acteurs en interne. Dans le même temps, il véhicule une anxiété importante chez des salariés qui, bien souvent, savent que la prise en charge des symptômes dont ils sont à la fois acteurs et spectateurs suppose de traiter l’organisation du travail plutôt que de définir qui sont les victimes et les coupables d’une crise qui ne dit plus son nom.